Dans un format court (entre 5 et 15 pages), les notes de recherche présentent les travaux de l'IRSEM et proposent des éléments d'analyse et de compréhension de grands enjeux stratégiques.
Auteur : Camille BRUGIER
Depuis quelques années et a fortiori depuis le début de la crise sanitaire, certains diplomates chinois, communément appelés « loups guerriers » par les médias occidentaux, ont adopté un ton belliqueux dans les médias et sur les réseaux sociaux. Alors que cette nouvelle pratique, très décriée au sein des opinions publiques occidentales et asiatiques, conforte la perception de la Chine comme une menace, cette note s’interroge sur les motivations qui poussent le Parti communiste chinois (PCC) à la perpétuer. Ce paradoxe tient à ce que les véritables destinataires de cette politique extérieure chinoise sont les Chinois eux-mêmes, qu’ils vivent dans le pays ou à l’étranger. Cette politique extérieure à usage interne a pour but principal de légitimer le PCC aux yeux de ses propres citoyens, dans la continuité des précédents leaders chinois. Ainsi, cette diplomatie des « loups guerriers » n’affecte pas les objectifs de la politique étrangère chinoise. Trois éléments étayent cette hypothèse : la visibilité des « loups guerriers » en Chine, les références subtiles au « siècle d’humiliation » et enfin l’instrumentalisation de la fracture culturelle pour mettre à distance les régimes démocratiques.
Auteur : Flavien BOURRAT
Le Maghreb et le Moyen-Orient sont touchés, dans un contexte stratégique régional tendu et instable, par le retour ou l’émergence du fait national comme élément central et structurant du fonctionnement des États et des sociétés. Ce phénomène, qui s’est amplifié à la faveur des soulèvements observés dans le monde arabe et en Iran depuis une dizaine d’années, révèle la priorité désormais accordée au cadre national dans la conduite politique interne comme extérieure des pays, en même temps que le rejet des ingérences étrangères et des utopies transnationales. Ce retour global du national interroge sur les dynamiques dont il est porteur, mais aussi sur les contradictions et les résistances qu’il rencontre au gré des situations et des crises affectant l’ensemble de la région. Il fait ainsi ressortir les tensions entre nationalisme étatique et internationalisme islamiste, mais aussi la difficulté pour plusieurs pays d’accéder au statut d’État-nation viable, et enfin la question du retour éventuel à un ou plusieurs hégémons régionaux.
Auteur : Romain DOUILLARD
Expression de la fragilisation croissante de la frontière entre civils et combattants dans les guerres asymétriques, les boucliers humains sont devenus des acteurs clefs du paysage stratégique mondial, dans les conflits opposant les États à des groupes rebelles ou terroristes. Leur utilisation pose un ensemble de problèmes stratégiques, politiques, juridiques et éthiques aux armées qui y sont confrontées.
The Covid-19 health and related economic crises did not leave any sector of the economy unharmed. Although it may not be the first in line, the defence industry has also been impacted. This paper explores the various impacts of the Covid-19 on the defence industry in Europe, both on the short and long-term dimensions. After exploring the immediate and longer-term impacts of the crisis for the defence industry, the paper concludes by discussing whether the crisis could be an opportunity for further European armament cooperation. This IRSEM publication is based on Dr Béraud-Sudreau’s personal research and does not relate to the SIPRI databases or annual data launches.
Auteurs : Amélie FEREY et Anne-Laure MAHE
La signature, le 23 octobre 2020, d’une déclaration conjointe entre les États-Unis, le Soudan et Israël semble inaugurer une nouvelle ère dans les relations israélo-soudanaises : celle de la normalisation. Les politiques et évolutions concrètes auxquelles renvoie ce terme restent toutefois floues, notamment du fait de l’incertitude de la situation politique soudanaise, le pays ayant entamé une transition démocratique en 2019. Quelles sont les conséquences et la pérennité de cette nouvelle itération de la diplomatie du deal promue par Donald Trump ? Cet accord a été rendu possible par le tandem Trump / Netanyahou qui a su capitaliser sur des conditions structurelles permettant un rapprochement entre les trois États. Sa publicité constitue une rupture avec la diplomatie clandestine menée par Israël dans la région, et affecte différemment les acteurs en présence. Si cette diplomatie d’annonce est recherchée par Donald Trump et Benjamin Netanyahou, qui tentent de traduire ces succès diplomatiques en gains de politique intérieure, elle met en lumière les dissensions au sein de la classe politique soudanaise, dont une partie perçoit le deal comme un « chantage » effectué par les États-Unis en échange du retrait du pays de la liste des États sponsors du terrorisme.
During Donald Trump’s presidency, US-Russia relations significantly worsened. On top of the tensions over the Ukrainian and Syrian crises, new ones have emerged in other areas, from arms control to geopolitical power politics in the “Greater Middle East”. Through an analysis of the main drivers of the relations between the US and Russia over the past four years, this paper explores how the US domestic polarization over how to deal with Russia resulted in ineffective sanctions, weakened cooperation on arms control, and ultimately allowed Russia to gain geopolitical room in the Middle East and North Africa (MENA) and to continue strengthening its ties with China. The first part of this paper retraces the evolution and polarization of the debate on Russia in the United States, while the second discusses how such trends have resulted in sanctions being the main US foreign policy tool towards Russia. After providing an overview of the impact of the standoff with Russia on arms control, this study shows how the US intervention fatigue has given Russia greater room for actions in the MENA region, but also how deteriorating relations between Moscow and Washington ultimately facilitated more solid relations between Moscow and Beijing. Lastly, this paper discusses the main challenges ahead in the bilateral relation in light of Joseph Biden’s recent election as president of the United States.
Auteur : Cécile FAUCONNET
Cette note de recherche analyse le processus d’innovation au sein des entreprises de défense sous l’angle original des combinaisons de connaissances. Elle vise à comprendre la manière dont les spécificités liées à la production militaire influencent l’architecture des connaissances au sein des entreprises. À l’aide d’une étude statistique préliminaire des données de brevets, nous mettons en avant une différence entre les pratiques des entreprises civiles et des entreprises de défense. Plus précisément, les entreprises de défense sont en moyenne plus exploratrices de combinaisons technologiques originales et plus exploitantes de liaisons usuelles que les entreprises civiles.
Auteur : François DELERUE, Édouard JOLLY, Léa MICHELIS, Anne MUXEL, Florian OPILLARD et Angélique PALLE
La mobilisation des armées dans la gestion de la crise sanitaire liée à la Covid-19 participe à la lutte contre la pandémie. En Europe, les États les ont sollicitées surtout en soutien logistique et sanitaire, mais elles ont aussi, dans certains pays, participé à des tâches relevant de la sécurité publique (maintien de l’ordre ou contrôle des frontières).
Cette note présente un premier état des lieux des missions qu’elles ont assumées auprès des populations civiles en comparant la nature des interventions menées, les effectifs déployés, et le dimensionnement des opérations, en France, en Allemagne, en Suisse, en Italie et aux États-Unis. Dans la période récente, le périmètre des missions incombant aux armées s’est indéniablement élargi et celles-ci doivent régulièrement apporter, en appui des moyens civils, leur soutien et leurs compétences dans des situations de catastrophes naturelles, humanitaires et sanitaires. La pandémie de Covid-19 en est une nouvelle illustration.
The mobilization of armed forces in the management of the health crisis linked to Covid-19 is part of the fight against the pandemic. In Europe, the States requested them mainly for logistical and medical support, but in some countries, they also participated in public security tasks, such as maintenance of order or border control. This note presents an initial overview of the missions they have undertaken among civilian populations by comparing the nature of the interventions carried out, the number of personnel deployed, and the scale of operations in France, Germany, Switzerland, Italy and the United States. In recent times, the scope of missions carried out by the armed forces has undeniably widened and they must regularly provide their support and skills in situations of natural, humanitarian and health disasters, in support of civilian resources. The Covid-19 pandemic is a new illustration of this evolution.
Auteur : Dr Raphaëlle KHAN
Le débat global autour du concept de la « Responsabilité de protéger » (R2P) est l’un des plus controversés de la dernière décennie dans le domaine de la sécurité internationale. Le fait que ce concept propose de redéfinir la norme de souveraineté au nom des droits de l’homme est au coeur de la controverse. La position réticente de l’Inde envers ce concept est considérée par de nombreux médias et analystes en Europe et aux États-Unis comme paradoxale, étant donné la nature démocratique de son régime. Cette note revient sur le rapport de l’Inde à la souveraineté dans le cadre de la R2P pour en évaluer la nature et analyser ce qui a changé depuis le cas de la Libye en 2011, première illustration concrète de l’utilisation du concept de la R2P pour légitimer une intervention.
Auteur : Dr Camille BOUTRON
Cette note de recherche propose des pistes de réflexion sur les différents ressorts discursifs mobilisés par les récits médiatiques de la participation des femmes au terrorisme islamique. À partir des tentatives d’attentat menées par un groupe de femmes à Paris et Boussy-Saint-Antoine en septembre 2016, elle identifie quatre catégories de récits. La première souligne le caractère monstrueux et pathologique de l’engagement des femmes dans les organisations djihadistes. La deuxième l’interprète comme étant motivé par l’affect et le sentiment amoureux. La troisième considère que les organisations djihadistes ont représenté une roue de secours pour des femmes en perte de repères, animées de pensées suicidaires. La quatrième enfin insiste sur la dimension instrumentale de cet engagement féminin dans une entreprise terroriste. Ces quatre catégories de récits ont pour point commun de mettre en avant la dimension irrationnelle et pathologique de l’engagement des femmes dans les organisations djihadistes. Elles font par ailleurs écho à des « récits types » plus généralement élaborés sur la violence politique des femmes dans le monde occidental.
The dramatic increase in Chinese foreign direct investment (FDI) in Europe has heightened EU security concerns. Regulation (EU) 2019/452 of the European Parliament and of the Council of 19 March 2019 is a response to those concerns. The Regulation is a framework for the coordination of and communication between Member States on the issue of FDI screening. While the Regulation does not require that Member States adopt FDI screening mechanisms or amend existing mechanisms, it enjoins Member States to keep the Union apprised of incoming FDI and provides other Member States and the Commission with the opportunity to raise their concerns regarding specific FDI transactions that may threaten security or public order in the Union. The premise underlying the Regulation is that greater awareness of the security risks in certain incoming FDI will prompt Member States to react—by blocking the incoming FDI and,in the longer term, bolstering their own domestic screening legislation.
This paper provides an overview of the Regulation and its proposed cooperation mechanisms. It further provides a comparison between the Regulation and the CFIUS framework in the United States. Finally, this paper considers the effectiveness of the Regulation in light of the changed security and economic context brought about by the Covid-19 pandemic.
Auteur : Dr Ardijan SAINOVIC
Cette note explore la politique étrangère et de défense des six États des Balkans occidentaux (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Macédoine du Nord, Monténégro, Serbie) en étudiant leur positionnement stratégique face aux puissances extérieures. Notre analyse montre que si les relations avec les États non occidentaux – la Chine, la Russie et la Turquie – se sont accrues depuis quelques années, celles-ci ne sont pas néanmoins susceptibles de modifier les objectifs nationaux des États des Balkans occidentaux en faveur de l’intégration aux structures euro-atlantiques. Cette diversification des relations s’explique principalement par les besoins en matière de développement économique, mais aussi par des considérations de politique interne. Cependant, à ce stade, ni la Chine, ni la Russie, ni la Turquie ne sont perçues comme étant capables d’apporter pleinement satisfaction aux États de la région sur leurs intérêts nationaux et objectifs stratégiques, par rapport aux puissances de l’espace euro-atlantique.
Le deuxième mandat présidentiel de Xi Jinping, qui a commencé en 2018, a été marqué par de très graves crises politiques : de la guerre commerciale avec les États-Unis à la contestation sans précédent à Hong Kong et à la contraction économique à la suite de la crise sanitaire de la Covid-19, les défis au pouvoir du parti-État chinois sont profonds. Ils ne semblent cependant pas immédiatement éroder la mainmise du Parti communiste chinois sur le pays, au contraire. Sous Xi Jinping, le parti-État a transformé les problèmes publics en atteintes à la sécurité nationale et fait de celle-ci le thème fédérateur de son programme politique. L’accumulation des crises et leur gestion, lutôt qu’une menace, deviennent ainsi des facteurs de légitimation de son pouvoir autoritaire.
À l’automne 2019, alors que les grandes villes d’Irak ont vu se développer une contestation populaire dirigée contre le gouvernement, mais aussi contre l’influence iranienne, plusieurs milices ont entrepris de contrer le mouvement populaire tout en élevant le niveau de tension contre les intérêts américains. Conduisant simultanément des démonstrations de force urbaine, une campagne de répression, des actions de guérilla contre les cantonnements américains, ces groupes paramilitaires ont démontré leur maîtrise de la guerre irrégulière. Leurs actions, d’intensité croissante, ont fini par provoquer une réaction forte de Washington (élimination du général Soleimani) dont les conséquences indirectes ont été, paradoxalement, favorables à l’Iran : essoufflement de la contestation, réduction de la présence militaire internationale. Ces gains politiques obtenus par l’Iran permettent d’imaginer que ces milices ont été activées pour mettre en oeuvre un plan d’opération très élaboré. Produisant des effets considérables pour une énergie investie relativement faible, les milices se présentent comme un puissant levier stratégique, potentiellement actionnable à distance.
During the fall of 2019, major demonstrations broke out in the largest Iraqi cities, challenging both the Iraqi government and Iran. Meanwhile, several militias strove to counter the popular movement by heightening tensions against American interests. They conducted a wide range of operations: show of force, repression campaign, harassment of US military camps, etc. They proved extensive irregular warfare capabilities. Gradually, their actions scaled up and ended up prompting a massive reaction from Washington (elimination of General Soleimani). Against any odds, the assassination had favorable consequences for Iran: demonstrations lost their popular support and weakened, while Western military forces started pulling out. This huge strategic benefit may be a hint that these militias have been activated to carry out a sophisticated operation plan. Eventually, they engineered considerable outcomes from a rather weak initial investment. As such, they appear as a powerful tool of strategic leverage that can be activated remotely.
L’apparente recrudescence de l’assassinat comme instrument politique pose des questions importantes sur le rôle et les limites de l’action clandestine dans les relations internationales. Ces opérations représentent le haut du spectre des capacités des services de renseignement, et constituent une des plus graves violations de la souveraineté du pays hôte et des droits les plus élémentaires des individus. Afin de mieux comprendre les raisons de leur usage, cette note analyse six assassinats commandités par des régimes démocratiques et autocratiques depuis 2010. Notre analyse montre que si les services ne sont pas toujours en mesure d’assurer la clandestinité de telles opérations, celle-ci offre néanmoins au commanditaire la possibilité de nier son implication. La majorité des coûts politiques et diplomatiques des opérations d’assassinat examinées semblent s’estomper dans le temps et sont donc négligeables du point de vue d’un décideur politique. Étant donné ces conditions, nous concluons que l’utilisation de l’assassinat comme outil politique va probablement se généraliser dans les années à venir.
The noticeable growth in the use of assassination as a political tool poses important questions about the role and limits of covert actions in international relations. These operations, located at the high end of the spectrum of capacities of intelligence services, constitute one of the most significant violations both of the national sovereignty of the country where an assassination takes place and of the most fundamental rights of individuals. This note examines six assassinations, sponsored by democratic or authoritarian regimes since 2010, with the goal of improving our understanding of the reasons for their use. Our analysis shows that even though intelligence services cannot always ensure the secrecy of these operations, their covert nature nevertheless provide their sponsors with a form of deniability. The majority of political and diplomatic costs born of the assassinations examined here seem to fade in time and therefore are negligible from the point of view of a political decision-maker. Given these conditions, we conclude that the use of assassination as a political tool is likely to become more widespread in the coming years.
La Russie utilise une large palette de leviers d’influence dans les ex-républiques soviétiques d’Arménie, d’Azerbaïdjan et de Géorgie. Mais ne parvenant plus à séduire les peuples du Caucase du Sud, région qu’elle considère comme éminemment stratégique depuis qu’elle en a entrepris la conquête au début du XIXe siècle, sa stratégie d’influence est essentiellement fondée sur la puissance militaire (hard power). Elle ne parvient quasi pas à développer son soft power en Transcaucasie et a donc surtout recours à des leviers d’influence qui relèvent in fine de la contrainte : exploitation des situations de conflit dans les provinces sécessionnistes du Haut-Karabagh, de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, oligarques d’origine caucasienne « tenus » par le Kremlin, prix de l’énergie et notamment du gaz variable selon la qualité des relations entre Moscou et les capitales de la région, etc. Cela entraîne la Russie dans un cercle vicieux où, pour conserver sa sphère d’influence dans le Caucase du Sud, elle y use de toujours plus de contrainte, devenant ainsi de moins en moins attractive. Les méthodes qu’elle utilise sont bien connues et éprouvées, ce qui fait de cette région un laboratoire important à observer.
Russia uses a variety of methods to influence its former Soviet republics of Armenia, Azerbaijan, and Georgia. Since its conquest of the region in the 19th Century, Russia considers Transcaucasia particularly important for its geopolitical standing. No longer able to persuade or attract South Caucasus populations, Russia’s strategy of influence is largely based on military power (hard power). It struggles to develop its soft power in this region, resorting finally to more coercive methods like exploiting: conflicts in the secessionist regions of Nagorno-Karabakh, Abkhazia, and South Ossetia; Kremlin-affiliated oligarchs; and energy prices. This traps Russia in a vicious cycle: to retain its influence in the South Caucasus, it becomes increasingly coercive and aggressive, appearing malevolent to local populations. The Kremlin relies on well-known and established strategies in the South Caucasus, making it an important case study in the analysis of Russian foreign policy in general.
En tant que représentations cohérentes et systématiques du monde, les théories des relations internationales peuvent nous aider à donner du sens à la crise sanitaire que nous vivons en ce début d’année 2020. Les caractéristiques des processus qui ont provoqué et continuent d’accompagner la pandémie en font un phénomène transnational, susceptible de conforter la perspective du même nom. À tous les stades de cette crise, le rôle de l’individu semble d’ailleurs central. Pourtant, à y regarder de plus près, sa capacité d’action est en réalité limitée. Si le virus n’a que faire des frontières, ce n’est pas le cas de ceux qui le portent. Or, ces derniers s’en remettent à l’État pour résoudre cette crise, un État dont le comportement coïncide avec celui que les théoriciens réalistes lui prêtent. Priorité est ainsi octroyée à l’action souveraine des États concentrés sur leur propre intérêt, dans une logique de compétition à peine voilée.
The emergence of a bipolar world dominated by US-China competition will be one of the most crucial factors shaping global security in the years to come. This evolution will be particularly challenging for Europe and transatlantic relations. In the event of a US-China confrontation, Europeans would face increasing responsibility because the US would need to focus on the East Asian theatre; in the case of a bipolar détente, the US might want to cooperate increasingly with China, possibly at the expense of the transatlantic partnership. With a view to being better prepared for those risks, Europeans should develop their strategic autonomy, reinforce their economic sovereignty and restore their naval power.
« L’INNOVATION TECHNOLOGIQUE DANS LA STRATÉGIE DE PUISSANCE CHINOISE :
INTELLIGENCE ARTIFICIELLE, DRONES, ESPACE »
Auteur : Océane ZUBELDIA, Malcolm LÉON-ZYTNICKI
La science et l’innovation constituent des priorités politiques du président Xi Jinping, l’objectif étant de rendre la Chine forte économiquement et plus puissante militairement. Les efforts sont portés sur l’autonomie technologique, c’est-à-dire le développement de ses propres capacités au regard de secteurs de niche comme l’intelligence artificielle (IA), les drones et l’espace. Pour mener à bien ses ambitions, l’État chinois conduit une politique très dirigiste où les armées et les services de police profitent des avancées du privé.
Dans cette course à l’innovation, elle possède de nombreux atouts comme le montrent les récents développements du marché des drones civils et militaires, ou bien encore l’envoi en 2018 d’une sonde sur la face cachée de la Lune. Même si certains obstacles se dressent encore, la « route de la soie digitalisée » est bien en marche.
« SCHÉMA SUR L’APPLICATION DU DROIT INTERNATIONAL AUX OPÉRATIONS CYBERNÉTIQUES »
Auteur : François DELERUE
Le droit international est applicable au cyberespace et aux cyberopérations. Il convient néanmoins de s’interroger sur l’interprétation et la mise en oeuvre concrète de ce corpus juridique : que peut faire un État si son système de transport, son réseau d’énergie ou toute autre infrastructure critique est mis hors service pendant une période prolongée en raison d’une opération cybernétique ? Quelles réactions doit-il adopter face à d’importantes perturbations sur son fonctionnement, des pertes économiques voire, potentiellement, des pertes humaines ? Une réponse militaire serait-elle justifiée ? Ces questions, qui n’épuisent pas le sujet, découlent des modalités d’application au cyberespace du droit international. Si des réponses spécifiques doivent toujours être apportées au cas par cas à la suite d’une analyse factuelle et juridique approfondie, il est possible de schématiser le processus logique d’application du droit international à une opération cybernétique, de la détermination de l’identité de son auteur à l’adoption de mesures unilatérales contre l’État ou l’acteur responsable.
Depuis le 11 avril 2019 et le renversement d’Omar el-Béchir, le Soudan s’est engagé dans un processus politique incertain et complexe. Parmi les nombreuses questions soulevées domine celle de l’ampleur et de la nature des mutations en cours : s’agit-il d’un véritable changement de régime ou d’une simple transformation du système pour survivre à la crise ? Afin d’y répondre, il est nécessaire de s’intéresser à l’appareil sécuritaire car c’est lui qui a pris les rênes du pouvoir, en particulier l’armée, et qui s’impose comme l’acteur central de la transition face à l’opposition civile. Cette note analyse l’architecture, l’histoire et les évolutions de cet appareil depuis 1989. Durant trente ans de pouvoir autoritaire islamiste, il a fait l’objet d’une politique de contrepoids (counterbalancing) produisant une fragmentation et une multiplication des agences de sécurité. Cette politique explique en partie le déroulement du coup d’État et des événements qui ont suivi et implique des défis spécifiques pour la transition à court et long terme, en particulier la gestion des multiples acteurs armés pouvant lui faire obstacle.
On July 24th , 2019, China published its tenth Defense White Paper. Far from announcing an evolution of the Chinese military strategy, “China’s National Defense in the New Era” (新时代的中国国防) has two core functions: taking steps toward increased transparency by explaining how China perceives its regional and global environment; and halting the spread of the Chinese threat theory that fuels an increasingly virulent opposition towards China. However, China is struggling to convince on these two points: questionable interpretation of international tensions and partial analysis of the implications, lack of recognition of substantive problems, half-hearted transparency incapable of responding to the concerns of Beijing’s interlocutors. A critical reading of this document makes it possible to identify the main perceptions of the ruling elite.
Note de recherche n° 73 - 2019
« ÉTUDES STATISTIQUES DES CAUSES DU DÉCLENCHEMENT DES CONFLITS INTERNES. Le pouvoir prédictif des modèles de régression logistique appliqués aux analyses à l’échelle du pays »
Auteur : Sophie PANEL
L’analyse statistique des déterminants des guerres civiles est un champ bien établi dans la littérature (notamment anglophone) sur les conflits. Une approche courante consiste à analyser la distribution des conflits sur un grand nombre de pays afin d’identifier les variables associées à leur occurrence ou non-occurrence. Cette note thématise une limite de ce type de modèles, qui est leur faible qualité d’ajustement : même en prenant en compte l’effet cumulé des déterminants principaux des conflits internes, la probabilité de conflit estimée pour chaque observation ne permet pas de distinguer les pays qui ont réellement fait l’expérience d’une guerre civile, et ce malgré le fait que les variables analysées ont un effet parfois très fort en termes de magnitude et de significativité. La dernière partie de la note propose deux solutions potentielles à ce problème qui sont, d’une part, certaines avancées en termes de modélisation des événements rares et, d’autre part, le recours croissant à des bases de données adoptant une résolution spatiale et temporelle plus précise.
Cette note a pour objectif de présenter les principaux enjeux de l’élection présidentielle de mars-avril 2019 en Ukraine. Elle propose un panorama des enjeux économiques, sociaux et sécuritaires du scrutin (poids du conflit dans le Donbass, réformes et attentes sociales, rôle des oligarques, etc.) avant de réaliser un tour d’horizon des stratégies électorales des principaux candidats. Enfin, l’analyse s’attache à décrypter les enjeux du second tour, et notamment le point crucial du report des voix qui permettra de départager les candidats parmi les trois actuellement « présidentiables ». Ceci est d’autant plus important que l’issue est incertaine.
Les présidentielles ouvrent un nouveau cycle électoral qui se poursuivra par les élections législatives d’octobre 2019 et les élections locales de 2020. Ces échéances seront révélatrices des nouvelles recompositions politiques dans un pays meurtri par cinq ans de guerre avec la Russie et marqué par la « Révolution de Dignité » en 2013-2014. Toutefois, si le paysage politique s’est profondément transformé à l’issue de Maïdan, le système politique n’a que peu évolué et une grande partie de la sphère politique reste définie par les jeux d’influence entre oligarques et la persistance de la corruption et des intérêts privés comme « outils » politiques privilégiés.
"SHIITE MILITIAS AND THE STATE IN IRAQ. Between integration an empowerment"
Authors: Flavien BOURRAT, Alexandre d’ESPINOSE DE LACAILLERIE
A new type of militia is currently spreading in the Arab world, and in particular in Iraq. While this phenomenon has deep roots, it is the result of the weakening of the central state and the withering of the military and security apparatus. The growth in power of the Iraqi Popular Mobilisation Forces (Hashd Sha’abi), initially intended to be the tip of the spear in the fight against the Islamic State, calls into question their institutional status and remit, even though their mission has been successfully completed. Now the question of their integration or their demobilisation arises. The increasing fear in Iraq, as well as the region as a whole, of the prospect of a permanent parallel Shiite army, serving Iranian interests, like Hezbollah in Lebanon, should be qualified. In reality, the specific attributes of the Iraqi Shiite community and its political and security representation, greatly limit the possibility of these militias being instrumentalised by Tehran.
"INTELLIGENCE STUDIES IN FRANCE. History, Structure and Proposals"
Authers : Jean-Vincent HOLEINDRE, Benjamin OUDET
Since the September 11 attacks, there has been a threefold legitimization of the intelligence field in France: due to the international context, through contemporary security challenges such as terrorism, organized crime, information manipulation; and the subsequent shift in public policies (leading in particular to the Intelligence Act of July 24th, 2015); and by the changing perception of a public affected by the terrorist threat. This context can encourage the development of intelligence studies, which has so far struggled to establish itself in France. The subject is indeed being considered in an increasing number of works in the humanities and social sciences, especially in history, law and political science. This paper reviews intelligence studies in France, without claiming to establish an exhaustive map of the field. It is organized into three sections: first, a brief history of intelligence studies through the comparison of the Anglo-American world and France. Data on the structure of the field (publications, theses, research networks, internationalization) will then be presented. Finally, ten proposals are made for the development of intelligence studies, particularly in terms of teaching, clearances granted to researchers, and the creation of a specialized journal. We also advocate a rapprochement between academics and professionals, carried out with strict respect for the independence of the spheres and with concern for mutual understanding. In this regard, the role of the State and public authorities is fundamental in overseeing and giving momentum to this rapprochement.
"THE DEBATE ON UNIVERSAL NATIONAL SERVICE: BETWEEN POLITICAL WILL AND PUBLIC CONFUSION"
Author: Bénédicte CHÉRON
For the first time since compulsory national service was suspended in 2001, decided in 1997, the French people have elected a president who proposes re-establishing a form of universal and compulsory service. The announcement by Emmanuel Macron caused a major stir during the election campaign. However, it was only the latest contribution to a long debate on how to mobilise young people for the good of society. It also corresponded to an increasingly apparent political concern for national cohesion and unity. It became explicit during the 2007 election campaign, marked by the memory of the recent 2005 urban riots, and now made omnipresent by the 2015 terrorist attacks. The debate was intended to implement this new national service. However, since the presidential campaign, it has instead revealed public confusion about the pre-2001 national service, as well as the difficulty of identifying the role that the armed forces – now fully professionalised – could play. This paper aims to explore this debate and resituate it in the context of the recurring discussions in French politics since 1997, as well as in the long-term perspective of France’s collective mindset. It will also examine how this idea is taking form at the European level.
"A EUROPEAN DRONE SPACE"
Authors: Chantal LAVALLÉE, Océane ZUBELDIA
The massive military potential offered by drones has placed them at the heart of modern militaries. Their incontrovertible strategic benefits have prompted several European states to pursue the joint development of a Medium-Altitude Long-Endurance (MALE) drone. It is an ambitious challenge, thus cooperative development is necessary to share the substantial investment costs and compete with the United States and Israel. Although military drone cooperation has progressed slowly in Europe, recent civilian drone initiatives may spark new momentum and stimulate civilian-military synergy. In order to manage the risks and take advantage of potential opportunities, there is a new political impulse in Europe to regulate the use and development of civilian drones. The goal is to integrate them into European airspace, with adapted regulations, research funding and a common market that will place Europe in strong position in this highly competitive sector. This research paper seeks to evaluate the nature and scope of current discussions and initiatives concerning the use of civilian and military drones in the European Union.