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Conclusions de la mission d’information sur le Plan famille

 

LTN Camille Trotoux

 

Lors de la présentation du bilan de la mission d’information dédiée au Plan famille, les rapporteurs ont salué les efforts du ministère des Armées et l’implication de la ministre. Selon eux, la dynamique doit être poursuivie et doit approfondir des éléments clefs comme les moyens de communication dédiés et la numérisation des outils.

 

Le 23 novembre 2021, la mission d’information en charge du rapport sur le bilan du Plan famille du ministère des Armées, a présenté ses conclusions à la commission de la Défense de l’Assemblée nationale. Les deux rapporteurs, Mmes Séverine Gipson et Isabelle Santiago, et leurs équipes ont effectué une trentaine d’auditions ainsi que plusieurs déplacements sur des emprises militaires.

Le Plan famille, présenté par la ministre en 2017, concerne les militaires ainsi que les civils de la Défense. Sa mise en œuvre, initialement prévue entre 2018 et 2022, a été prolongée par son inscription au cœur de la Loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025. Issu d’un dialogue direct entre les militaires, leurs représentants, les réseaux associatifs et le niveau politique, ce plan devait permettre d’assurer un équilibre entre des sujétions liées à la singularité militaire, et des compensations, sous différentes formes. Ces contraintes sont adossées aux engagements opérationnels croissants des armées ; dans ce contexte, la famille du militaire reste une « base arrière indispensable ». Les enjeux de recrutement et de fidélisation sont majeurs, ce qui justifie l’investissement de 530 millions d’euros sur la durée de la LPM au profit de l’action sociale du ministère des Armées.

D’après la mission d’information, plusieurs mesures satisfont la communauté de Défense. Il s’agit, entre autres, de celles prises en faveur de la garde d’enfants et qui reposent sur trois actions : gestion directe de crèches ministérielles, réservation de berceaux au sein de structures associatives et signatures de conventions avec des assistantes maternelles. L’un des enjeux majeurs est de réussir à s’adapter aux horaires étendus, décalés et parfois aux absences imprévues lors de déclenchements d’alertes opérationnelles. Si l’objectif d’une hausse de 20 % des places en crèche a été atteint et dépassé, les rapporteurs encouragent la création de maisons d’assistantes maternelles, plus faciles à mettre sur pied et à gérer que des crèches.

La réforme de la carte famille SNCF a également été saluée ; il est désormais possible pour la famille de circuler en transports ferroviaires en profitant des réductions sans le conjoint ou la conjointe militaire, ce qui n’était pas le cas auparavant.

Dans une dynamique de soutien des relations entre le militaire et sa famille, l’importance du « plan wifi » ne doit pas être sous-estimée. Gratuit et sécurisé, le wifi est désormais disponible en métropole et en OPEX. Plusieurs projets ont également participé au maintien d’un lien entre les enfants et le parent déployé en mission comme les boîtes multi-activités.

Ce bilan positif est toutefois nuancé par la mission d’information qui met l’accent sur plusieurs points de vigilance, déjà évoqués en 2016 par le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire. La multiplication et la succession des opérations extérieures, les départs avancés, les retours repoussés, les décisions de dernière minute impactent profondément la vie familiale et constituent « le facteur majeur de fragilisation de notre système militaire ». Le métier de militaire implique une mobilité géographique importante. Le « célibat géographique » (absence du parent/conjoint du domicile familial entre le lundi et le vendredi) et ses risques inhérents de morcellement du parcours scolaire des enfants, de fragilisation des réseaux de sociabilité et de difficultés à acquérir un logement, sont autant d’enjeux qui ont amené le ministère des Armées à consolider sa politique d’action sociale auprès de ses ressortissants.

Aujourd’hui les conjoints de militaires souhaitent conserver leur emploi – il s’agit d’ailleurs majoritairement de conjointes qui n’aspirent plus autant qu’auparavant au rôle de mère au foyer. Les soutenir dans leur recherche d’emploi est une tâche considérable pour laquelle les efforts du ministère doivent être renforcés. C’est surtout le cas des conjoints fonctionnaires et notamment des enseignants (85 % des demandes d’appui de conjoint). Si 70 % des demandes ont été satisfaites en 2021, il semble difficile d’aller au-delà, en particulier parce que les calendriers de mutation des ministères des Armées et de l’Éducation nationale sont décalés, et ce malgré la signature d’un protocole en 2018. Deux propositions sont émises par les rapporteurs : favoriser l’accès des conjoints aux services publics (l’offre actuelle serait trop centralisée) et les accompagner dans la création d’entreprise.

De façon plus générale, pour limiter les conséquences familiales des mutations, les rapporteurs encouragent les réflexions sur le télétravail ou la création d’espaces partagés de travail sur les bases de défense. Ils saluent la mise en place de la politique de « mobilité modernisée » de l’armée de terre et des bassins d’employabilité qui sont des zones géographiquement limitées où il est possible d’effectuer une partie importante de sa carrière.

Toujours dans le cadre des mutations, les rapporteurs soulignent que, même si les aides aux déménagements sont appréciées, l’attribution des logements est trop tardive, notamment en raison du préavis d’un mois pour les familles sortantes. Or certaines démarches administratives nécessitent des justificatifs de domicile comme, par exemple, l’inscription des enfants à l’école, elle-même conditionnée par la carte scolaire, sans compter le fait que l’adresse de la garnison du parent militaire n’est pas reconnue comme valide par l’Éducation nationale. Sur ce point, le cas des militaires mutés en Île-de-France mérite, selon la mission, une attention particulière. De plus, du point de vue de la santé, la mission attire l’attention sur le fait que certaines régions sont des déserts médicaux où les médecins ne prennent pas ou peu de nouveaux patients. Elle propose de faciliter l’arrivée d’une famille par des échanges avec les médecins, et par la création de parrainages entre les arrivants et les partants pour faciliter la prise en charge. La mise en place de cabines de téléconsultation du Service de santé des armées est suggérée.

D’autres propositions sont également faites comme le développement d’une offre de logement IGESA au profit des étudiants dont les parents sont militaires ; le maintien des prix préférentiels sur les transports ferroviaires dans le cadre d’une ouverture à la concurrence ; l’augmentation en outre-mer des moyens du commandement pour s’assurer de l’adaptation du Plan famille au niveau local tout en prenant en compte les spécificités des ultramarins.

Enfin, deux recommandations principales émanent du bilan présenté par les rapporteurs. La première concerne un besoin de renfort des services de soutien du Plan famille et notamment de Défense mobilité. La seconde juge indispensable de revoir la communication autour du Plan afin que les bénéficiaires disposent des bonnes informations au moment opportun. En effet, si le Plan famille « est salué par l’ensemble de la communauté de Défense, [il] gagnerait à mieux être connu aussi bien des familles que des militaires eux-mêmes ». La mise en place de directeurs de projets, d’une équipe de communication et d’une application au contenu personnalisable est suggérée. Dans ce cadre, le projet en cours de réalisation « Familles des armées » sera particulièrement scruté.

Dans la perspective d’une évaluation continue du Plan famille, les gendarmes, qui en bénéficient pour partie, ainsi que les réservistes et les pompiers militaires (Paris, Marseille) sont des points d’attention à prendre en compte. De plus, certaines mesures d’adoption récente ne peuvent pas encore être évaluées, comme le partenariat avec Yoopies, conclu en octobre 2021, qui offre un nouveau dispositif de garde d’enfants pour le personnel du ministère, ou « Atrium » qui prévoit d’optimiser la distribution des logements. Toutefois, trois projets qui renforcent le Plan famille sont menés simultanément : le programme « Hébergement des armées », le contrat « Ambition logements » et la « Nouvelle politique de rémunération des militaires ».

La dynamique enclenchée depuis 2017 correspond aux besoins de la communauté de Défense. Toutefois les chantiers en cours étant ambitieux, leur pertinence et leur efficacité dans le temps devront être examinées. En effet, le nombre de propositions faites par la mission d’information laisse à penser que l’accompagnement social au sein du ministère est une politique de long terme.

 

La LTN Trotoux est chercheuse Défense et société à l’IRSEM et docteure en science politique. Ses travaux relèvent principalement de la sociologie du militaire.

Contact : camille.trotoux@irsem.fr