Marianne qui êtes-vous ? Racontez-nous votre parcours…
J’ai rejoint l’IRSEM en 2015 après une carrière assez atypique d’officier de marine, davantage tournée vers les questions stratégiques que les activités navales opérationnelles, bien qu’ayant débuté ma carrière au Centre Opérationnel de la Marine à Toulon.
Très tôt, j’ai été orientée vers les relations internationales militaires en Asie et, plus particulièrement, le Japon en raison de ma connaissance de cette langue que j’ai étudiée après ma formation en science politique à Aix-en-Provence. Or l’Asie est un continent bleu, où les problématiques géopolitiques ramènent invariablement vers le maritime, de l’océan Indien à la mer de Chine et au Pacifique. J’ai gardé le cap !
J’ai eu la chance de servir au sein du Département Asie de l’Etat-major des Armées puis de la DAS (Délégation aux affaires stratégiques, actuelle Direction générale des relations internationales et de la stratégie), mais aussi en tant que conseiller militaire en Afghanistan, ce qui reste une expérience mémorable. Plus récemment, j’ai été conseiller politique au Commandement maritime de l’OTAN où j’ai pu mesurer l’acuité du phénomène de piraterie et d’insécurité maritime sur l’ensemble des théâtres maritimes dont l’océan Indien et le Golfe de Guinée.
Quels sont vos axes de recherche actuellement ?
Où peut-on vous lire ? (liens vers derniers articles)
J’ai deux axes d’études, la géopolitique du système de sécurité de l’Asie du Nord avec le Japon et les Corées ainsi que les stratégies et les enjeux de sécurité maritimes internationaux. Ces deux domaines se complètent quelquefois en raison de mon tropisme asiatique, comme dans ma note de recherche sur Le Japon et la sécurité maritime en Asie du Sud Est : un laboratoire pour l’Indo-Pacifique ? (IRSEM, n°64/2018).
Concernant l’Asie du Nord, je me concentre actuellement sur les développements politico-militaires de la crise nucléaire nord-coréenne et son impact sur les systèmes d’alliance dans la zone. J’ai publié à ce sujet un état des lieux stratégique à la veille de la rencontre Trump/Kim Jong-un à Hanoi dans la note de recherche Le sommet de Hanoi : une relation américano-nord-coréenne au beau fixe ? (IRSEM 70/2019).
À mes yeux, la sécurité maritime constitue un champ relativement peu exploré des études de sécurité et des relations internationales. Or, la mer est au cœur du développement de nouvelles conflictualités, notamment en Asie avec la modernisation accélérée des marines de guerre et la radicalisation des stratégies d’appropriation des espaces et des ressources. Elle est également l’objet d’une recherche de régulation coopérative des espaces entre Etats, acteurs privés et organisations régionales pour lutter contre la pêche illégale, les dégradations environnementales et les désastres naturels... Actuellement mes travaux portent sur les nouveaux acteurs et les nouveaux instruments de gouvernance maritime en Asie : mise en avant des flottes de garde-côtes et des milices maritimes, développement des centres de partage et de fusion de l’information maritime en océan Indien, le concept « d’économie bleue », désormais omniprésent dans les narratifs étatiques évoquant la sécurité maritime.
J’ai contribué à l’édition 2018 de l’Annuaire Français des Relations Internationales avec un article intitulé Course aux armements en Asie : mythes et réalités. J’ai dirigé l’année dernière un numéro de la revue Monde chinois, Nouvelle Asie consacré à la crise nucléaire nord-coréenne, Péninsule coréenne : crise, dissuasion, négociations, paru en avril.
Dernièrement, j’ai collaboré à l’ouvrage de Guibourg Delamotte, Maitre de Conférence à Institut National des Langues et Civilisations Orientales, INALCO, Le Japon et le Monde, à paraître au premier trimestre 2019 aux Editions CNRS, avec un article sur la politique de défense japonaise et au numéro de la revue Hérodote sur l’Inde, dirigé par Jean-Luc Racine, Directeur de Recherche émérite Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, EHESS, à paraître au premier semestre 2019, avec un article sur la politique maritime de l’Inde.
Pourquoi avoir choisi la « recherche » ?
Comment percevez-vous votre rôle de chercheur ?
Paradoxalement, je dirais que c’est la recherche qui m’a choisie en venant à ma rencontre en 2000 lors de ma première affectation à la DAS, à l’issue d’une année de fellowship au Japan Institute of International Affairs (JIIA) de Tokyo. Le soutien actif de la DAS à la réflexion stratégique et prospective au sein des Armées l’avait tout naturellement conduite à investiguer l’expertise disponible sur les questions géopolitiques et les enjeux de sécurité internationale et de défense. C’est dans ce contexte que la délégation s’était rapprochée des principaux instituts de recherche et d’organismes académiques français et étrangers.
J’ai ainsi eu la chance de contribuer à la mise en place des premiers Observatoires stratégiques sur la Chine et l’Asie du Sud-Est. Cela n’a pas été sans mal, je le reconnais. Se positionner dans le domaine du « policy making » et effectuer des travaux de terrain et d’analyse politique au bénéfice des services de la Défense suscitaient à l’époque réticences et critiques du milieu académique. Cela a beaucoup changé !
C’est d’ailleurs ce qui me plaît à l’IRSEM : être un acteur du débat à la croisée de la recherche et d’une approche plus empirique. Mais, proposer une vision renouvelée de l’Asie et de son importance pour une meilleure connaissance du monde n’est pas aisé. L’Asie fascine mais on l’estime loin de l’Europe et de ses préoccupations… Dans ce cadre, rappeler que la France est une puissance asiatique provoque la plupart du temps un sourire…