In Memoriam André Martel

Le professeur André Martel nous a quitté le 15 août 2019, dans sa 89e année.

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Sep

Andr Martel

 

Il était devenu un ami, comme il fut celui de nombre de ses anciens élèves. Historien émérite disciple de Pierre Renouvin, spécialiste de géopolitique et de polémologie, il fut l’un des meilleurs experts du Maghreb contemporain, tout spécialement de la Tunisie et de la Libye. Il fut surtout l’un des piliers de l’enseignement de l’histoire militaire et du renouveau de l’étude des conflits contemporains au tournant des années 1970-1980, à une époque où cette matière n’était pas en odeur de sainteté auprès des élites bien pensantes.

Premier président d’université (Montpellier) à recréer un centre d’histoire militaire en France, il a redynamisé les études de polémologie qui lui doivent beaucoup. Ancien vice-président de la commission internationale d’histoire militaire, il a fondé la revue Histoire et Défense et dirigé le Tome 4 de l’Histoire militaire de la France (1940 à nos jours) qui reste toujours l’ouvrage de référence, trente ans après sa publication aux PUF. Il est l’auteur de nombreux autres livres, parmi lesquels une relecture des Principes de la guerre de Foch (PUF, 1997) et une biographie du Maréchal Leclerc – Le soldat, le politique (Albin Michel, 1999) couronnée du prix « Maréchal Foch » de l’Académie française.
Après avoir enseigné treize ans à Tunis, André Martel a été élu professeur à l’université de Montpellier, en 1967, avant d’assurer la présidence flamboyante de cette université. Il a terminé sa carrière à l’IEP d’Aix-en-Provence où il intervenait encore quelques années avant son décès. En 2017, il publiait une version réactualisé de sa Géopolitique de la Libye des Ottomans à Daech (L’Harmattan).
 
Les Mélanges offerts à sa retraite, intitulés Les Armes et la Toge, illustrent parfaitement le double parcours de ce fils du peuple, symbole de méritocratie républicaine, issu de deux lignées de paysans provençaux. Car André Martel fut aussi un officier de réserve opérationnelle de cavalerie blindée, breveté, qui n’hésita jamais à délaisser la plume pour patrouiller djebels et plaines enneigées à la tête d’unités de reconnaissance. Colonel, chevalier de l’Ordre national du mérite à titre militaire, Officier de la Légion d’honneur et des Palmes académiques, André Martel était surtout un formidable pédagogue, à la fois très exigeant et bienveillant, qui a formé deux générations d’historiens qui lui doivent beaucoup.
 
Très actif auprès de l’IHEDN et investi dans la transmission de l’esprit de défense, il a marqué les nombreux cadres militaires qui ont suivi ses enseignements. Doté d’un solide sens de l’humour, d’un accent fleurant bon les cigales, d’une probité intellectuelle avérée et d’une vision fulgurante sur l’évolution des rapports de force internationaux, il s’est imposé comme un « patron » montrant l’exemple, percutant, fidèle en amitié, élégant et distingué jusqu’à son dernier souffle. À sa manière, il fut un prophète des « War Studies » en France. Ses disciples, dont je m’honore de faire partie, lui doivent beaucoup et s’attacheront à perpétuer son souvenir et sa vision d’une étude pluridisciplinaire des conflits qui ne peut se concevoir que dans la globalité.
 
Pierre Razoux